Interview d'Emilie Gonzales, éditrice chez Raven Editions

16/03/2021

1. Présentez-vous rapidement ainsi que votre métier au sein de Raven Editions.

Je m'appelle Elodie GONZALES et je suis la présidente de Raven Éditions. Je suis également l'éditrice, la correctrice, la maquettiste, le comité de lecture, la community manager, la gestionnaire, la libraire sur les salons... On peut dire que je suis multi-casquette, mdr.

Il faut savoir que ce n'est pas rare chez les petites maisons d'édition que des personnes effectuent plusieurs tâches ou gèrent tout simplement tout elles-mêmes. Les postes ne sont distincts que dans les moyennes et grandes structures...

2. Quel est votre parcours d'études ?

Après un bac scientifique, j'ai me suis tournée vers la littérature avec un DUT Info-Com, option Métiers du livre et du patrimoine. Le DUT d'Aix-en-Provence m'a permis d'avoir une vision large du monde du livre en étudiant les métiers de bibliothécaire, de libraire et d'éditeur avant de me spécialiser dans l'édition lors de ma deuxième année.

J'ai ensuite poursuivi avec une troisième année en licence édition à l'IUT Paris-Descartes en alternance.

Suite à un stage de deux mois dans une petite maison d'édition, j'ai réalisé le fossé entre la réalité du milieu et les études qui nous formaient à entrer dans de grandes sociétés au fonctionnement très différent des petites structures. J'ai donc fait le choix de ne pas poursuivre en master et de tenter ma chance en créant ma propre maison d'édition. C'était le début de Raven Éditions.

3. Depuis combien de temps exercez-vous ce métier ?

Cela fait un an, sans compter les études. C'est tout frais, mdr.

4. Quelles sont les qualités principales qu'il faut avoir pour exercer ce métier ?

Je dirais être polyvalent, être prêt à ne pas compter son temps et avoir les nerfs solides. Après, il faut évidemment avoir les connaissances nécessaires dans de nombreux domaines pour éviter les faux pas. Éditeur est un métier comme un autre, avec ses règles. Il ne suffit malheureusement pas d'aimer les livres ou d'être bon en français pour faire un bon éditeur.

5. Rencontrez-vous des difficultés particulières ?

Je ne doute pas que Raven Éditions rencontrera plusieurs difficultés au cours de son existence, mais pour le moment, la principale difficulté est un peu celle que rencontrent les nouvelles entreprises : se faire connaître du public et se créer une solide communauté. Une tâche rendue encore plus compliquée en raison de la crise sanitaire avec la fermeture de tous les salons littéraires.

6. Quelles sont les compétences que vous avez acquises tout au long de votre carrière ?

Je dirais que cette année m'a appris à relativiser et à voir plus loin dans le futur. Lorsque l'on commence, on a tendance à se concentrer sur le présent ou sur le court terme. Après une année d'activité, je parviens à mieux me projeter et à penser sur le long terme pour nos titres.

7. Quelles responsabilités impliquent votre métier ?

Je vois deux responsabilités majeures pour un éditeur : la responsabilité envers l'auteur et celle envers le lecteur.

Pour le lecteur, nous devons offrir des ouvrages de qualité. J'apporte une grande importance à la couverture des romans, mais le client n'achète pas seulement la couverture. Il est nécessaire pour le texte que la plume soit de qualité et qu'il soit dépourvu de coquilles (autant que faire se peut, bien entendu).

Pour l'auteur, nous sommes responsables de son rêve. Il nous confie son manuscrit, ses espoirs, on doit donc promouvoir au mieux son livre et lui offrir le succès qu'il mérite. C'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit d'une petite maison d'édition nouvellement créée, car il y a aussi le risque qu'elle ne dure pas et ferme au bout de quelques années...

8. Quelles sont vos conditions de travail (travail de bureau, à domicile, horaires...) ? Ont-elles évolué depuis le début de votre carrière ?

L'avantage d'être une petite structure, c'est de pouvoir travailler directement depuis chez soi.

La majorité des postes dans l'édition pouvant être effectués en distanciel, il n'est, pour le moment, pas prévu que cela change dans le futur.

9. Combien d'employés travaillent à Raven Editions ? La parité homme-femme y est-elle respectée ?

Je suis seule à travailler dans l'entreprise. Après, si l'on compte Raven (la mascotte de la maison d'édition qui lui a donné son nom), alors la parité est respectée, mdr.

Si je devais venir à embaucher un jour, j'aimerais pouvoir respecter la parité homme-femme. Il faut toutefois savoir que dans le milieu de l'édition, on nous apprend dès le départ que le nombre d'hommes est dérisoire (4 garçons dans une classe de 50 en DUT soit 8%, pourcentage identique dans une classe de 25 pour pour l'année de licence), mais que ce sont souvent eux que l'on retrouve aux postes les plus importants. Il est donc plus difficile de respecter la parité dans ce domaine car les CV masculins sont peu nombreux.

10. Quel regard les autres portent sur votre métier ? Avez-vous déjà reçu des critiques négatives visant un aspect de votre métier ?

La réaction est toujours en deux temps :

Au départ, lorsque les gens découvrent mon métier, ils ironisent en disant « La chance, vous devez passer votre journée à lire ! ». Ce n'est pas totalement faux, je prends beaucoup de temps pour lire les manuscrits que l'on m'envoie, mais ce n'est qu'une petite partie de mon travail. Leur réaction est principalement due à la méconnaissance du travail d'éditeur, surtout celui d'une petite maison d'édition.

Puis, je leur explique en quoi il consiste exactement. Là, ils se montrent souvent intéressés, curieux même, posent beaucoup de questions sur les différentes tâches et missions. Et ils concluent souvent par « J'ignorais que c'était si compliqué pour sortir un livre. Honnêtement, je n'aimerais pas être à votre place. »

Personnellement, je n'échangerais ma place pour rien au monde.

11. Comment s'organise la communication d'un livre récemment paru ? Y'a-t-il plusieurs phases ?

La communication principale d'un livre se fait avant même que celui-ci soit paru. Lorsque le livre sort, il faudrait que la communication en amont suffise à faire vendre le livre sans avoir besoin d'en refaire après sa sortie ; ainsi, les ventes sont assurées au démarrage et l'on peut se concentrer sur la promotion du suivant.

Malheureusement, cela vaut pour les grandes maisons d'édition ou celles qui sont déjà bien implantées et possèdent leur public.

Dans notre cas, la communication est divisée en deux parties :

  • En amont : nous présentons l'auteur, la collection et l'illustration de couverture ainsi que le résumé de l'ouvrage. Nous essayons de garder du mystère afin que les gens s'investissent d'eux-même dans la résolution du mystère (cases couverture, par exemple).

  • En aval : nous partageons des extraits (premiers chapitres disponibles sur notre site Internet ET extraits aléatoires sur les réseaux), les interviews et les avis des chroniqueurs à qui nous avons envoyé des SP (service presse).

Normalement, ce qui est fait en aval devrait être fait en amont, surtout en ce qui concerne les avis. Malheureusement, étant donné que je travaille seule sur les ouvrages, ceux-ci sont généralement terminés juste avant l'envoi à l'imprimeur et la sortie officielle. Je peux donc difficilement envoyer en avant-première les SP aux chroniqueurs.

12. En quoi les réseaux sociaux facilitent la communication et la promotion des livres et des auteurs ?

Les réseaux sociaux sont primordiaux pour la communication d'une maison d'édition ou d'un auteur. Ils permettent de toucher un large public plutôt que de se cantonner à un public local, de partager l'information rapidement. Ils ont toutefois leur limite que j'ai pu constater pendant cette crise : ils ne permettent pas de se faire connaître à l'infini, pas sans être accompagnés.

Lors des premiers mois de Raven Éditions, le nombre de personnes à aimer nos pages et à nous suivre à explosé. Les mois suivants, cette progression a ralenti jusqu'à stagner. Depuis, elle n'évolue quasiment plus. Résultat, les informations que nous partageons sur nos réseaux ne touchent plus que les personnes qui nous connaissent et nous suivent déjà...

J'ai parlé d'un accompagnement plus haut. Celui-ci peut varier en fonction des professions ; dans le domaine de l'édition, il s'agit des salons du livre. Les éditeurs participent à des salons dans tout le pays où, avec leurs auteurs, ils peuvent discuter directement avec les lecteurs qui, ensuite, peuvent venir les suivre sur les réseaux sociaux si la ligne éditoriale les a intéressés.

Que ce soit les salons ou les réseaux sociaux, ils ont tous leur limite seuls, mais ils sont complémentaires lorsque l'on les utilise ensemble. C'est la raison pour laquelle la réouverture des salons du livre est indispensable pour l'évolution de Raven Éditions.

13. Les auteurs participent-ils au processus de communication et de promotion sur les réseaux sociaux ?

J'encourage fortement les auteurs à posséder au moins une page Facebook ou Instagram et à l'alimenter régulièrement. Après, le contenu reste bien entendu libre, je n'ai aucun droit de regard dessus. L'important, c'est la notion de partage. Un lecteur ne suivra pas une maison d'édition et un auteur pour les mêmes raisons. L'éditeur diffusera des informations pratiques sur les livres, les événements... L'auteur, au contraire, sera plus dans le partage en montrant sa zone de travail ou en prenant des photos sur les lieux de dédicaces, etc.

14. Quels sont les autres moyens de communication à la disposition de Raven Editions ?

Comme indiqué dans une question précédente, Raven Éditions en possède (en principe) deux majeures : les réseaux sociaux et les salons. Les salons tardent à venir, mais nous les attendons de pied ferme. On peut aussi compter sur les dédicaces en librairie ou en médiathèque, par exemple, qui jouent le même rôle que les salons et qui, toujours en raison de la crise sanitaire, sont en stand-by pour le moment.

15. Avez-vous des précisions ou des informations supplémentaires à apporter sur votre métier ?

J'ai déjà évoqué l'aspect multi facettes dans une petite maison d'édition, on ne peut toutefois pas tout faire et il faut savoir s'entourer de personnes compétentes dans leurs domaines respectifs : un bon illustrateur, un expert comptable (c'est aussi une entreprise avec ses obligations légales et fiscales, chacun son métier) ce qui représente évidemment des frais supplémentaires mais aussi la tranquillité d'esprit et laisse plus de temps pour le cœur de métier.

En plus de la passion, il faut aussi des nerfs solides et de la patience : la rentabilité n'est pas immédiatement au rendez-vous.


@paulinedjrdauteure
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